Histoire de St Hugues

Le bienheureux Hugues, né dans le Valentinois, dans une localité proche de l’Isère qu’on appelle Chateauneuf, eut des parents qui ne manquaient pas d’importance selon l’échelle des dignités du monde, mais remarquables, qui plus est, par le privilège de la sainteté. Il aima beaucoup les études. Parti pour ce motif à l’étranger, il y rencontra bien des difficultés, car il avait d’instinct – et cela jusqu’à son extrême vieillesse – une modération timide qui le poussait à supporter même le manque du nécessaire, et même parmi les siens… Revenu des écoles, il séjourna à Valence où il était chanoine de la cathédrale, vivant malgré sa jeunesse dans la réserve et la modération. Il arriva que le Seigneur Hugues, légat de toutes les Gaules par ordre de Grégoire VII de bienheureuse mémoire, vienne dans cette ville. C’était un homme très actif dans les affaires de l’Église, et fort connu ; il était à ce moment-là à la tête de l’Église de Die et fut par la suite archevêque de Lyon.

Il vit ce jeune homme, au visage distingué, de haute taille, modéré dans sa parole, réservé dans sa conduite. Instruit de sa science et de sa noblesse par ceux qui le connaissaient, cet évêque, qui avait une intelligence très vive tant dans des affaires humaines que divines, reconnut en lui pour l’avenir de grands signes d’intégrité et de sainteté. Il l’embrassa avec joie, aimablement, et lui demanda de venir chez lui pour devenir le compagnon qui partagerait ses combats. Au bout de quelque temps, le légat tint à Avignon, un important concile. A cette assemblée vinrent les chanoines de Grenoble, qui n’avaient plus d’évêque et en cherchaient un. Quand ils eurent découvert que le jeune homme, dont nous racontons l’histoire, participait à la réunion, avec l’appui de l’assemblée, ils supplièrent son respectable protecteur, dont il était le compagnon précieux, de le leur donner sans tarder pour évêque. Le légat tout joyeux, accepta sur-le-champ. Mais le jeune homme, frappé jusqu’au tréfonds d’une crainte soudaine, résistait de toutes ses forces : son âge, ses connaissances, sa conduite enfin et sa vie – disait-il – n’étaient pas à la hauteur de si grands mystères. Jusqu’à sa mort, il ne se déprit pas de ce jugement de lui-même, empreint d’une si profonde humilité…

Il tomba très gravement malade de la tête et de l’estomac. Les malaises et les tourments de cette maladie, vraiment très violents et très fréquents, ne cessèrent pas pendant quarante ans au moins, tant qu’il vécut. Comme l’or chauffé se purifie dans le creuset, sous l’effet de ces deux tourments, la tentation et la maladie, il fit de grands progrès dans l’amour spirituel de Dieu… Quoique appesanti par les maladies et l’âge, fortifié par l’espoir de se reposer un jour, Hugues se mit en devoir d’aller trouver le pontife romain ; il ne put obtenir la permission de ne s’occuper que de Dieu. On crut en effet que tout faible et malade qu’il fut, sa seule autorité, la sainteté de sa vie donnée en exemple, pouvaient être plus utiles au peuple qu’il gouvernait que la présence de n’importe quel autre, solide et en bonne santé. Il avait toujours été évident par ses paroles et ses actions que Dieu habitait sa sainte âme, mais c’est alors surtout, dans l’affliction suprême de la maladie, qu’on ne put ignorer l’homme qu’il était, la grandeur de son mérite, la sincérité avec laquelle il adorait Dieu, l’amour véritable dont il avait, durant sa longue vie, défendu la justice et la charité.

Extrait du propre de la Liturgie des Heures de l’Église de Valence